De nombreuses sociétés ont pris conscience de la nécessité d’innover. Dans le passé, un des critères de valeur pour les actionnaires était le pourcentage du chiffre d’affaires généré par la réduction des coûts, aujourd’hui, les actionnaires regardent plus le pourcentage du chiffre d’affaires généré par les nouveaux produits. En se basant sur la même logique de rationalisation, les grandes entreprises rationalisent leur processus d’innovation. Certaines adoptent un processus d’innovation de type stage gate, dans lequel chaque étape est clairement identifié et bordé par une décision formelle de continuer ou d’arrêter le projet.
Néanmoins elles se rendent compte aujourd’hui que le Stage Gate ne suffit pas. Ce n’est pas seulement la forme du processus d’innovation qui compte mais son contenu et sa substance. Sans de bonnes idées se transformant en bons concepts, le processus d’innovation manque de contenu. D’où la nécessité de se concentrer sur le management des idées et de mettre en place un système d’information qui permette de les récolter, de les évaluer et de les sélectionner avant de les injecter dans la suite du processus d’innovation.
I-NOVA une société de conseil Lyonnaise a développé un logiciel de management des idées, Novago à destination des grandes entreprises qui souhaitent s’engager dans une démarche structurée de management des idées. Ils distinguent trois systèmes de management des idées (SMI) :
– un SMI Processus pour récolter et sélectionner les idées
– un SMI collaboratif pour enrichir les idées
– un SMI ouvert pour faire émerger les idées de rupture
Si ce système d’information a le mérite de formaliser le système de management des idées afin de doper l’innovation, nous verrons plus loin qu’il pose quelques questions sur le lien entre le management des idées et les pratiques de management dans les grandes entreprises.
I-NOVA a organisé le 26 octobre à paris un séminaire sur le management d’idée dans lequel deux de ses clients utilisateur du logiciel Novago expliquait leur démarche, AHLSTROM et SCHNEIDER ELECTRIC.
AHLSTROM est une société de plus de 3000 collaborateurs qui produit des fibres papier et fibres non-tissés, très spécialisées, pour l’industrie. L’entreprise a rationalisé son système d’innovation avec le système Stage Gate en définissant les étapes suivantes : idea scoping – business case – design – validation – Lauch. Ce système a eu un fort impact puisqu’elle est passée de 15% du chiffre d’affaires généré par de nouveaux produits à 20% trois ans plus tard. Néanmoins, ils ont constaté que ces innovations étaient plus des innovations incrémentales que de rupture. Le responsable innovation a donc décidé de travailler sur la phase idea scoring pour favoriser la génération d’idées pouvant aboutir à des innovations plus radicales. Dans un premier temps, il a mis en place des sessions de créativité en interne. Mais il s’est vite aperçu qu’il est difficile de filtrer et d’évaluer les idées sans la présence des bons experts dans la séance de créativité. Du coup, l’entreprise a décidé de mettre en place une base de données d’idées avec le partage et l’évaluation de ces idées. Ils voulaient aussi mettre en place un système facile à utiliser, en lien avec les autres systèmes d’information de la société et permettant la traçabilité de la propriété intellectuelle. Ils ont adopté le logiciel de I-NOVA et l’ont renommé eMIND.
Ce système permet de créer une fiche d’idée et de la partager. En sortie, le système délivre des idea concept qui décrivent complètement l’idée et intègre son évaluation. Dans chaque unité d’affaire, il y a un Idea portfolio manager qui gère le système et qui est responsable du portefeuille d’idée de l’unité d’affaire. A son tour, l’Idea Portfolio Manager désigne des Idea Manager qui auront la charge de gérer l’idée et de l’amener à maturation. Il y a trois niveaux de sécurité dans le système, chaque idée peut être partagée uniquement avec la direction, l’unité d’affaire ou l’ensemble du groupe. Par défaut le système fixe le partage au niveau de l’unité d’affaire. Le responsable Innovation a indiqué que l’intérêt de ce système était aussi de permettre à l’ensemble des unités du groupe de partager les idées. On constate ici que ce système intègre surtout l’aspect SMI Processus, un peu de SMI collaboratif et pas de SMI ouvert.
L’expérience de AHLSTROM est très intéressante car elle montre les tensions qui se nouent autour de la gestion de l’innovation dans les toutes premières phases du processus. Le système de management des idées perd de sa force sans le SMI collaboratif et ouvert. En effet, s’il est utile d’aider à la récolte des idées et son stockage, sans enrichissement, ces idées manquent de valeur. Le partage permet à l’idée de se confronter à plusieurs points de vue, de s’enrichir de l’expertise des autres et finalement d’intéresser un nombre suffisant de personnes pour arriver plus vite et plus qualitativement à maturité. Le problème c’est que le partage des idées entre en contradiction avec les systèmes de management qui sont en vigueur dans les grandes organisations industrielles : système hiérarchique, ligne de commandement très longue, découpage en unités d’affaires spécialisées et très cloisonnées, utilisation de la rétention d’information comme moyen de contrôle, limitation de l’autonomie. Chez AHLSTROM, la tension entre contrôle et sécurisation des idées et la nécessité d’ouvrir le système au maximum pour permettre le processus d’enrichissement est très forte. Pour le moment, il n’est pas question d’ouvrir le système a des partenaires, sous-traitant ou même client. De l’expérience AHLSTROM on peut en tirer deux leçons.
Premièrement, la mise en place d’un système de management des idées doit s’accompagner d’un travail sur le design des organisations, les pratiques de management et la gestion des ressources humaines. Comment peut-on inciter les créatifs à alimenter le système ? Comment valoriser les meilleurs contributeurs ? Comment développer des pratiques de management basés sur le partage de l’information ? Comment décloisonner l’entreprise pour que les idées circulent auprès de tous les acteurs afin qu’elles puissent s’enrichir de toutes les expériences ? L’enrichissement des idées passe donc aussi par un enrichissement des pratiques collaboratives des acteurs de l’entreprise.
Deuxièmement, l’ouverture interne est absolument nécessaire avant l’ouverture externe. Si les pratiques de récoltes, de partages et d’enrichissements des idées ne sont pas pratiquées dans l’entreprise, l’ouverture au client sera encore plus compliquée. Les tensions constatées en interne seront encore plus fortes avec l’extérieure. D’où la nécessité de penser une politique de management des idées dans sa durée avec une première phase, le développement du système en interne couplée avec une modification des pratiques de management et une deuxième phase, le développement d’un lien avec ses clients et partenaires pour augmenter la qualité de l’enrichissement des idées.
quelle sont les avantage de ce système (SMI) et les inconvénion ? et merci d’avance