Le budget d’Oseo baisse t’il ?
Je suis tombé ce matin sur une note intéressante sur le blog de Olivier Ezratty, Alerte, Oséo Asphyxie les startups.
Le ton est un peu polémique, mais la note est bien argumenté et surtout ce sont les commentaires qui sont les plus intéressants. On voit dans ces commentaires l’importance que peut prendre dans notre pays Oseo pour le financement des start-up.
Le débat sur le budget est évidemment intéressant mais ce n’est peut-être pas le plus important. Lors du bilan 2009, Oseo affirme avoir financé 5000 entreprises innovantes pour 800 millions d’€ d’aides directes. Sur leur plaquette Oséo, il promette de financer 5 000 projets d’innovation :
• 500 millions d’euros en subventions et avances remboursables pour la R&D et l’innovation
• 700 millions d’euros de prêts bancaires pour l’innovation, garantis par OSEO
• 120 millions d’euros de Contrats de Développement Innova
On en est à 820 millions d’euros, soit un peu plus que 2008.
Le seul problème est que ce budget se base en partie sur le remboursement des avances. Et c’est peut-être bien là que se situe le problème, vue le contexte actuel, on peut facilement prévoir que le nombre de défaillances au niveau des remboursements sera plus important qu’en 2007 ou 2008.
Du focus group en ligne au forum de conception
Après la mise en place du Focus Group « Imaginons ensemble la station de ski de demain », l’heure est au bilan. Je viens de finir l’analyse des verbatim et la rédaction du rapport à destination de la station de ski. Cette opération était aussi pour moi une recherche participante, une mise en situation réelle pour récolter des données pour mes recherches sur le management de l’innovation, tout en prenant du recul pour pouvoir analyser cette méthode.
Premier constat, ça marche, on peut effectivement associer à la réflexion, en ligne, des utilisateurs sur des produits autres que purement technologique. Dans ce cas, il s’agissait de tester des innovations de services concernant les loisirs en station de ski. J’avais suivi l’utilisation de d’une méthode très proche dans le domaine des télécoms, avec la participation d’étudiants ou de personnes attirées par la technologie. Ici, il s’agissait de s’adresser à des pratiquant les sports de glisse et fréquentant les stations de ski. A l’issu du Focus Group, j’ai recueilli assez de contenu pour analyser l’acceptabilité des innovations, assez d’idées pour les repositionner afin de les transformer en concept viables et susceptibles d’intéresser les skieurs.
Deuxième constat, le recrutement est la phase la plus difficile de cette méthode. Se pose souvent la question classique de trouver des volontaires assez représentatifs de la population auxquelles sont destinés les innovations. A ce stade, une précision s’impose, la représentativité n’est pas importante pour cette méthode, ce qu’on recherche avant tout ce sont des personnes ayant envies de donner leur avis et assez créatives pour générer des idées autour des concepts d’innovations présentés.
Extrait des questions sur le forum
Imaginons ensemble la station de ski de demain
Cela fait deux ans que je travaille sur les méthodes de co-conception dans les environnements virtuels (site, forum et monde virtuel). Mon objectif est d’analyser et d’évaluer les apports effectifs de la co-conception dans ces environnements et leurs implication sur le processus de management de l’entreprise. Je me place dans la perspective d’une conception avec l’utilisateur, plutôt avec des communautés d’utilisateurs qu’avec des utilisateurs isolés.
Néanmoins, il existe une méthode intéressante qui consiste à faire un Focus Group en ligne de manière asynchrone sur une courte période. On réunit pendant deux semaines un groupe de 10 à 20 personnes pour évaluer un concept d’innovation ou obtenir des informations sur leurs pratiques dans un domaine précis. On construit ainsi un collectif éphémère qui va interagir sur une thématique donnée, à mi-chemin entre une communauté et des utilisateurs isolés. Il s’agit à la fois de déterminer l’acceptabilité d’une innovation par rapport à leurs pratiques habituelles et de générer de nouvelles idées à partir des concepts présentés. Le bulletin board se présente sous la forme d’un forum dans lequel l’animateur pose 1 à 3 questions par jour. On demande dans un premier temps de répondre à la question de l’animateur avant de réagir sur les réponses des autres.
Mes premières recherches étaient centrées sur la conception de logiciels (jeu vidéo, internet et service de communication) mais j’étends aujourd’hui la méthode aux services ou aux produits intégrant plus de “hard”.
A ce titre, je lance du 19 au 30 janvier un Bulletin Board sur le thème “Imaginons la station de ski de demain”. Il s’agit de recueillir des avis sur des idées d’aménagement de station de ski et de nouvelles offres de services aux skieurs.
ebook ou une occasion ratée
Ce matin sur France Inter, chose rare, le commentateur a parlé d’un livre qu’il aime pas. Il ne s’agit pas d’un simple ouvrage mais d’un livre électronique, le ebook de Sony en partenariat avec la Fnac. Le jugement est sévère : utilisation contre intuitive (il faut apprendre à s’en servir), catalogue pauvre (seulement 3000 titres avec peu d’éditeurs), incompatibilité avec certains ordinateurs, prix trop élevé des ouvrages. Les jugements sur le site du revendeur, même s’ils sont positifs, font ressortir les mêmes travers d’ergonomie, de prix et de faiblesse du catalogue.
Voilà une innovation prometteuse, annoncée depuis quelques années par les gros lecteurs, mais qui au final semble décevoir fortement. Que s’est-il passé ?
Sony n’est pas particulièrement connue pour être le champion des interfaces intuitives, par contre, elle a une grande expérience du jeu vidéo, secteur où le contenu est aussi important que la technologie. Cependant un gros lecteur n’a rien de commun avec un hard core gamer. Il consomme beaucoup de contenu, il n’est pas forcément passionné de technologie et, étant un gros consommateur de livre, il est sensible au prix du contenu.
Les concepteurs ont-ils associés les gros lecteurs à la conception de l’ebook ? Ce type de lecteur, early adopter potentiel, spécialiste de leur usage, aurait pu aider le fabricant à éviter ces travers, a détecter sa sensibilité au prix et à la complexité d’usage. L’intégration de l’utilisateur tout au long de la conception, ou tout simplement la prise en compte de ses usages ne semble pas être une pratique courante chez Sony. Dans un tel contexte, l’erreur de la Playstation 3 face à la Wii risque de se reproduire de nombreuse fois.
Heureusement pour Sony, l’ebook arrivera bien à attirer des passionnés de technologie, peu regardant sur l’usage et le prix.
Perception de l’innovation
Ipsos a enquêté pour Marketing Magazine sur la perception par les consommateurs de l’innovation. Une question qui prend toute son importance dans un contexte de contraction du pouvoir d’achat (enquête en ligne sur 500 internautes).
Le bilan est mitigé, si 55 % des personnes aiment tester les nouveautés, 59 % considèrent que les marques lancent trop souvent de nouveaux produits et surtout seulement 41 % considèrent qu’elles rendent la vie plus facile.
De plus, seulement 14 % sont prêt à payer plus cher pour un nouveau produit.
Cette enquête montre que les apports des innovations ne sont pas toujours perçues par le consommateur. Dans ce cas, il n’est pas prêt à payer plus pour une valeur ajouté qui lui semble inexistante. D’ou l’intérêt de travailler sur la valeur d’usage avec le consommateur tout au long du processus de conception.
Pour en savoir plus : voir Marketing Magazine N°125, octobre 2008.
L’innovation en temps de crise
Depuis quelques mois, on entend tous parler à longueur de journée de la CRISE… crise écologique, crise des sub-primes, crises de l’automobile, crise économique… Crise morale ? Sur Google, la recherche sur le mot crise atteint un record de 46 500 000 liens vers des pages web.
Même si il y a une sur anticipation à la fois des consommateurs comme des entreprises, la crise est bien là. Est ce vraiment une catastrophe pour l’innovation ?
Composante de la crise de 1929
La réponse n’est pas évidente, on serait tentée de considérer qu’à priori, les premiers budgets qui vont souffrir sont ceux de l’innovation et de la communication. Cette récession me fait penser dans ses mécanismes à ce qui s’est passé en 1929. On a eu en 1929, un arrêt brutal du système bancaire et une forte chute de la bourse, un arrêt net des transactions immobilières, des milliers de saisies immobilières par jour, une chute brutale des achats de voiture. Ça ne vous rappelle rien ?
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L’effondrement du sens dans les organisations
Weick K. A. est un de ces auteurs “incontournable” qui est cité dans de nombreux articles en science de gestion, et dont les approches et théories sont largement reprises. Sa pensée intéresse à la fois les chercheurs et les praticiens mais malheureusement elle est complexe et s’appuie sur des notions empruntées à la psychosociologie et la philosophie. Néanmoins, Weick se base souvent sur des données secondaires, issues d’analyses de catastrophe ou dysfonctionnement. Il nous raconte donc des histoires tout expliquant les phénomènes, ce qui permet de faciliter l’appropriation de sa pensée.
The Collapse of Sensemaking in Organisation, the mann Gulch disaster son texte le plus cité (plus de 190 citations dans les revues académiques, source Ebsco), a été traduit en Français “L’éffondrement du sens dans les organisations, l’accident du Mann Gulch” dans le livre le Sens de l’action, Karl E. Weick : Sociopsychologie de l’organisation.
Dans cet article Weick analyse l’incident de Mann Gulch, en se basant sur le livre de Norman MacLean, Young Men and Fire (La part du feu, édition Rivages, Parid 1994), pour comprendre quels sont les causes qui amène une organisation à se défaire ? et Comment augmenter la résilience d’une organisation ?
Un texte passionnant, assez claire, bien traduit, qui permet par la suite de faciliter la lecture des autres articles de Weick en anglais. Stephanie Tillement, dans le cadre du séminaire de recherche MCOI, a réalisé une fiche de lecture sur ce texte.
Fiche de lecture : L’effondrement du sens dans les organisations, l’accident du Mann Gulch
Bibliographie :
The Collapse of Sensemaking in Organisation, the mann Gulch disaster. Weick, Karl E.. Administrative Science Quarterly, Dec93, Vol. 38 Issue 4, p628-652, 25p.
Le sens de l’action, Karl E. Weick : Sociopsychologie de l’organisation, ouvrage collectif dirigé par Bénedicte Vidaillet, Collectif Vuibert, Vuibert, 2003
Comment tuer l’innovation avec l’analyse financière ?
Fiche de lecture
Innovation killers : how financial tools destroy your capacity to do new things
Christensen, Kaufman et Shi, Harvard Business review, 2008
Pourquoi des entreprises bien gérées avec des dirigeants intelligents n’arrivent-elles pas à innover ?
Les auteurs identifient 3 outils d’analyse financière comme étant les responsables de cette difficulté
– L’utilisation du cash flow escompté et de la valeur actuelle nette
– La manière de fixer les coûts désavantage les entreprises en place face à leurs concurrents
– L’accent sur le bénéfice par action comme référence de la création de valeur pour l’actionnaire détourne des investissements à long terme
Ces outils qu’on mobilise pour évaluer les investissements détournent de l’innovation. les auteurs proposent une nouvelle méthode pour mieux évaluer la valeur future d’un investissement afin de ne pas tuer l’innovation avec des outils inappropriés.
Fichier Edwige : innovation incrémentale, innovation radicale, ou innovation de rupture ?
Sans aucune discussion parlementaire, au cœur de l’été, a été publié au Journal Officiel la création par décret du fichier Edwige. De quoi s’agit-il ? Ce nouveau fichier recensera les personnes “ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif” mais aussi celles qui “en raison de leur activité individuelle ou collective sont susceptibles de porter atteinte à l’ordre public”. Y fulgureront donc adhérents, sympathisants, hommes politique, entrepreneurs, syndicalistes, délinquant potentiels, suspects… Ce serait la synthèse entre les fichiers tenus par les RG et la DST.Finalement, on peut s’étonner d’un tel raffut autour de ce fichier, rien de nouveau, puisque ces fichiers existent déjà. D’après le rapport de Alain Baueur (Alain Bauer 2007), il existe déjà 36 fichiers dont le celui le STIC (Systèmes de traitement des infractions constatées), le FNAEC (Fichier National Automatisée des Empreinte Génétiques) et le fichier des personnes nées à l’étranger, qui semblent poser le plus de problème.
Seulement voilà, aujourd’hui la multiplication des technologies de capture de l’information, de traçage et de traitement, ainsi que la numérisation de l’information changent complètement la donne.
L’innovation avec les lead user
Pour créer de nouveaux produits, les méthodes classiques proposent d’écouter les utilisateurs pour déterminer des besoins existants ou émergents, de les agréger en grandes catégories et de produire en masse afin réaliser des économies d’échelle. Cependant ce procédé permet rarement de réaliser des innovations radicales, ni d’anticiper des besoins “en devenir” qui pourrait s’avérer une formidable source d’innovation. Le problème provient du fait qu’il est extrêmement complexe et coûteux d’extraire de l’information sur les besoins d’utilisateur et de la transférer chez le producteur, d’autant plus que l’utilisateur est souvent bien incapable de formaliser ses besoins de manière explicite. Von Hippel a montré que ce problème est lié à la nature de l’information sur les besoins d’utilisateur : une information fortement rattachée au contexte de l’utilisateur (stickly information) et possédant une forte viscosité (stickiness). La viscosité de l’information est définit comme la dépense progressive exigée pour la transférer dans un lieu donné sous une forme utilisable pour un chercheur d’information (Von Hippel, 1994). Pour les entreprises le coût de récolte de cette information est élevé. Elles sont obligées de multiplier les études de marché pour s’intéresser à des segments de plus en plus petits afin de s’approcher au plus près du client et de saisir l’évolution rapide des marchés. La difficulté pour obtenir cette
information est souvent liée à un manque de capacité d’absorption de la part des
organisations, dû essentiellement à des rigidités internes, ou encore à la façon dont
l’information est codée. Elle est en effet bien souvent sous forme de connaissance tacite.
Dans ce contexte, impliquer l’utilisateur dans les procédés d’innovation est une façon de remédier à ce problème de stickly information. On n’essaye plus d’extraire l’information du contexte de l’utilisateur pour la placer dans le contexte de l’organisation. On donne un rôle de producteur à l’utilisateur et il va ainsi produire de l’information directement utilisable par l’entreprise : idée, concept, solution ou contenu. Pour Von Hippel, “pour résoudre un problème, on a besoin de réunir dans un même lieu, l’information et les capacités de résolution du problème” (Von Hippel & Katz, 2002).
Les Lead user
Une des méthodes pour résoudre ce problème consiste à intégrer les innovations des lead user dans le processus de conception (Von Hippel, 1999). Les lead user sont des utilisateurs à l’avant-garde d’un domaine, ayant un fort intérêt à innover pour eux-mêmes, imaginant et développant des solutions qui répondent à des attentes qui vont se généraliser par la suite à l’ensemble des utilisateurs du domaine. Von Hippel base sa theorie Lead user sur un utilisateur qui présenterait deux caractéristiques, à l’avant-garde d’une tendance (the ahead of trend) et possédant un fort intérêt à innover (the high expected benefit).