Apple pourra t’elle maintenir sa capacité d’innovation sans Steve Jobs ?
Le décès de Steve Jobs nous interroge sur le maintien de la capacité d’innovation d’Apple à long terme. Steve Jobs incarne l’image “parfaite” de l’entrepreneur : inspiré, obstiné, maniaque, créatif… certains diront génial. Il a créé Apple sur une idée forte, rendre les ordinateurs accessibles à tous, en faire un outils de développement de l’esprit humain. Son action a été plus loin que cela, il a diffusé l’esprit du design à nos “outils de cognition”. Imaginez ce que serait l’ordinateur et le téléphone sans l’inspiration de Steve. Steve Jobs a révolutionné 4 grands secteur industriel qui comptent dans notre vie de tout les jours : l’informatique, la musique, la téléphonie et le cinéma d’animation.
Quelques innovations à succès de Apple : Macintosh, iMac, iPod, iPhone, iPad
Apple est aujourd’hui une entreprise solide qui fait plus de 65 M€ de CA en 2010, possède un réseaux de 347 boutiques et vends plus 400 millions d’appareils informatique par an (Macintosh, ipod, ipad et iphone compris). On pourrait faire une liste très longue des “plus de”…
L’encodage de la philosophie de Steve Jobs dans la culture d’entreprise
Alors Apple est-elle capable de maintenir sa capacité d’innovation sans son créateur ? Le cas d’Apple n’est pas nouveau. Sans comparer Steve Jobs à Thomas Edison, General Electrics a bien survécu à la perte de son créateur, et l’innovation ne s’est pas arrêté pour autant. Comme Steve Jobs l’indiquait devant les étudiants de Stanford, tout est provisoire, et “la mort est probablement ce que la vie a inventé de mieux”. Le Macintosh, l’iPod, l’iPhone, l’iPad n’ont pas été conçu et développé par le seul Steve Jobs. Il a eu de l’inspiration, il a aussi largement “copié” au bon moment, mais c’est bien les équipes d’Apple qui ont développé ces produits high tech. Néanmoins dire cela résumerait l’entreprise à ses membres, ses habitudes et ses modes de fonctionnement. Or une entreprise est plus que cela, le créateur y met indiscutablement une partie de lui même dans l’organisation. Le tout est de savoir si les principes de Steve Jobs vont s’incruster dans la culture de l’entreprise.
Quelques échecs de Apple : Lisa, Apple III, Newton et le Cube
Les principes qui peuvent développer l’innovation à long terme chez Apple
C’est d’ailleurs ce que pense Adam Lashinsky dans un article de Fortune, “Inside Apple” (propos rapporté par Cult of Mac). Après une longue enquête en interne, il pense que dans la dernière décennie, Jobs a soigneusement remanié Apple a son image. Ses traits de caractère ont été encodées dans les façon de faire de l’entreprise. Son perfectionnisme, son sens du détail, de même son goût pour le design, sont devenus une partie des processus d’Apple, du développement de produit à la publicité.
” In the last decade, Jobs has thoroughly remade Apple in his image. His personality traits have become encoded as the way the company does things. His perfectionism, attention to detail, even his design taste, have become part and parcel of Apple’s processes, from product development to advertising”.
Alors que va t-il rester de Steve Jobs dans la manière d’innover, dans le souci des détails, dans l’organisation des équipes, dans l’agencement des bureaux… ? Et est ce que Apple na va pas se scléroser, se cristalliser, sur des modes de fonctionnement acquis, par peur de perdre ce qui fait son succès. Difficile à dire d’autant plus qu’Apple est une société très “secrète”. En dehors des multiples livres sur l’histoire du Macintosh et autres livres sur la vie de Steve Jobs, peu d’information sur l’organisation de Apple filtre à l’extérieur.
Néanmoins on peut à partir des dernières actions de Steve Jobs tirer quelques indices pour analyser les chances de maintien de la capacité d’innovation d’Apple.
– L’innovation chez Apple se base sur un principe de design simple, “la simplicité est la sophistication ultime” (une formule de Léonard de Vinci). Ce principe est présent dans le premier Macintosh qui présente un ordinateur tout en un. L’iPad représente l’aboutissement de cette logique, c’est un ordinateur puissant proposant de multiple services, sans souris, sans clavier… Ce principe peut facilement continuer à guider les équipes de développement.
– Les produits Apple propose un design facilement reconnaissance qui les démarque de la concurrence. On reconnait un produit Apple au premier coup d’oeil. Un principe général qui est intégré dans chaque produit : la simplicité pour le premier Macintosh (1984) ; La singularité pour le premier iMac (1998) ; L’épure pour l’iMac a écran plat… Ce principe est incarné par Jonathan Ive, le responsable du design chez Apple.
– Le business model de Apple est basé sur une plateforme qui associe hardware, logiciels et contenus. Apple a une énorme avance sur ce terrain par rapport à ses concurrents. Elle est le leader incontestée de la musique en ligne, même si Netflix envisage une sérieuse contre attaque. Ce business model est porté par Eddie Cue qui a mis en place la boutique iTunes et s’occupe aujourd’hui de développer iCloud.
– Le soucis du détail et l’intransigeance a guidé le développement des produits chez Apple. Steve Jobs avait été jusqu’à faire redessiner la carte mère du Macintosh pour qu’elle soit belle. De même qu’il a fait finement régler le rendu des couleurs sur l’iPhone pour que les pages internet soit fidèlement affichées. Steve Jobs considérait aussi que le client ne sait pas ce qu’il veut, avec une philosophie bien loin de la théorie du Lead user. Tim Cook, son successeur partage cet avis et ces deux traits de caractère avec Steve Jobs.
– Le choix du sans usine. Apple a choisi, au contraire de tout ses concurrents de tout sous-traiter. Ce qui lui donne une souplesse formidable et permet au passage de bloquer l’accès à cette capacité de production à ses concurrents. Avec le lacement de l’iPad, Apple a acquis la majeure partie de la production mondiale d’écran plat grand format capacitif, empêchant de fait l’entrée sur le marché des autres géants de l’électronique grand public. Jeff Willians, le responsable des opérations qui a mis en place cette organisation industrielle est maintenu au commande.
– Avant son départ en aout 2011, Steve Jobs a organisé sa succession en nommant Tim Cook à la tête de l’entreprise, avec à ses côté une équipe de 9 cadres qui sont tous liés à l’histoire d’Apple: Jonathan Ive, le designer ; Peter Oppenheimer, le financier ; Bruce Sewell, le juriste ; Jeff Williams, le responsable des opération ; Phillips Schiller, le marketeur ; Eddie Cue, le commerçant en ligne ; Bob Mansfield, le hardware, Scott Forstall, le développeur de MacOS et iOS et Ron Johnson…
– Depuis quelques années Apple s’étudie elle-même. En 2008, Steve Jobs a fait appel à Joël Podolny, le doyen de la faculté de Yal School Management pour étudier les recettes qui ont fait le succès d’Apple afin de les communiquer aux futurs dirigeants de la société. Il a recruté des professeurs de commerce, dont Richard Tedlow, un vétéran d’Harvard Business School.
Steve Jobs semble donc avoir pris des dispositions pour assurer la viabilité de Apple à long terme, et préserver sa capacité d’innovation.
Pour ma part j’ai découvert le Macintosh en 1986 dans un club informatique à l’université. Cette découverte a impulsé la première partie de ma carrière dans le graphisme et l’édition de beaux livres. J’ai compris dès le premier contact avec un Macintosh que j’avais affaire à quelques chose “de différent”, que ce “machin” allait être un outils formidable pour développer ma créativité. Je remercie Steve Jobs pour tout cela, même si je reconnais que cela m’a coûté fort cher depuis 1985 en achat d’ordinateur et de téléphone.
Le décès de Steve Jobs est une grande perte pour tout ceux qui adorent la techno, et peut-être une grande perte pour Apple. L’avenir nous dira si une firme qui bâtit son innovation sur un homme providentiel est capable de maintenir dans la durée sa capacité d’innovation.
Bibliographie :
– Dossier L’Héritage de Steve Jobs, Les Echos du 7 et 8 octobre 2011
– Steve Jobs Believes Apple Will Be Ok Without Him – Cult of Mac – Mai 2011
– Inside Apple, Fortune Mai 2011, de Adam Lashinsky (trouvable sur internet avec les bons mots clefs)
– Les 4 vies de Steve Jobs de Daniel Ichbiah – Leduc.s Editions
Pingback: Business model et innovation chez Apple